La région des lacs de l'Afrique orientale est devenue synonyme de cata
strophes. Pourtant son histoire multiséculaire est particulièrement ri
che: des densités humaines impressionnantes, un potentiel agro-pastora
l remarquable, une inventivité politique et religieuse étonnante. Le r
egard européen qui se porte sur elle depuis la fin du XIXe siècle, fas
ciné au premier abord par la civilisation qu'il découvrait en plein c
ur du continent, n'a pas tardé à piéger ces peuples africains dans ses
calculs et ses fantasmes. Il fallait conserver cette réserve humaine
dans un ordre "féodal", qui convenait apparemment si bien à la vision
raciale de l'histoire dans laquelle se complaisait la pensée coloniale
.
Ce qu'on appelle aujourd'hui ""Afrique des Grands lacs"", avec ses hai
nes fonctionnant en boucle, s'est forgée dans ce contact, où acteurs é
trangers et locaux portent des responsabilités spécifiques. Comment ré
fléchir sur cette région et son avenir sans démêler cette histoire com
plexe, qui est celle du XXe siècle, l'âge des extrêmes comme l'a écrit
Hobsbawm?
Jean-Pierre Chrétien travaille en historien sur ces pays depuis près d
e cinquante ans. Il a mis le doigt depuis les années 1970 sur le nud
idéologique incontournable qui les a marqués durablement. La dispariti
on dramatique de nombreux étudiants ou collègues, au Burundi en 1972,
puis au Rwanda en 1994, l'a cruellement interpellé. La logique du géno
cide n'était certes pas imparable, mais les occasions manquées ont été
accablantes et récurrentes, donnant une allure de fatalité à ce qui a
été le produit d'une série d'aveuglements et de fanatismes.
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