L’histoire de la raison: Anthropologie, morale et politique chez Rousseau

A la suite de Hobbes, de Locke, de Condillac et de d'Alembert, Rousseau conoit la philosophie comme une dmarche gntique. L'unit dynamique de son oeuvre ne rside pas tant dans une srie de thses qui la rsumeraient que dans le fait que Rousseau a appliqu cette mthode gntique en faisant varier ses points de dpart et ses objectifs : gense du droit naturel partir des hommes isols dans le second Discours, gense de la volont gnrale partir des intrts individuels dans le Contrat social, gense de l'amour-propre et de la vertu partir de l'amour de soi dans l'Emile. Or cette perspective historique rend compte la fois des thses de l'auteur, de leurs variations et de leur solidarit (ainsi la bont naturelle de l'homme est-elle indissociable de sa corruption effective). Rousseau discute toujours avec ses interlocuteurs en rflchissant sur le meilleur moyen d'affirmer une thse, et en dfendant la supriorit de ses propres genses sur les leurs l'histoire du droit naturel remonte plus loin que celle de Hobbes qui omet l'amour de soi ; la gense de la volont gnrale est plus raliste que celle de Diderot dans la mesure o elle produit une justice effective et non une simple ide de justice. Or cette dmarche explique le statut que reoit la rationalit pratique dans l'oeuvre : la production des diffrentes rgles de conduite se confond avec un processus de rationalisation, c'est--dire d'arrangement des dispositions et des intrts concrets quand ils se trouvent en opposition ou en quilibre instable. L'activit rationnelle ne dsigne donc pas tant l'exercice d'une facult que l'ensemble des efforts pratiques d'amlioration, de rgulation, de reformulation ou de rorganisation des situations humaines conflictuelles. Se dessine alors une pense attentive au singulier et au devenir. Les normes ne sont pas absolues, elles sont le produit d'une rationalit pratique qui se dploie en situation