L’ivrogne et la marchande de fleurs

Été 1937, l''Europe a les yeux tournés vers la guerre civile espagnole quand éclate à Moscou un deuxième procès retentissant: moins d''un an après l''exécution des anciens dirigeants du parti, c''est au tour des généraux d''être accusés de trahison. Sur ordre de Staline, l''état-major de l''Armée Rouge est passé par les armes.Pour spectaculaire qu''elle soit, cette effroyable purge des élites masque en fait un événement bien plus considérable que Staline a programmé dans le plus grand secret: le 30 juillet 1937, l''ordre du jour 00447 déchaîne en effet une vague de terreur sans précédent: en quelques mois 800 000 personnes sont arrêtées. La moitié sera exécutée.L''ordre de Staline est formel: éliminer les ennemis du peuple, passer en première catégorie, c''est-à-dire fusiller, ceux qui menacent le régime, ex koulaks, nobles, prêtres, asociaux, étrangers... La décision concerne aussi "l''élimination des enfants de moins d''un an socialement dangereux".Dans tout le pays. La police politique est prise d''une fièvre de compétition : à qui fera le plus de chiffres d''exécutions. Ici, on demande un supplément de 5000 arrestations, la " 5000 à passer en première catégorie".Très rapidement les victimes prévues ne suffisent plus. Il faut pourtant obtenir des résultats. La terreur s''abat alors sur tous ceux qui, par malheur, croisent la roule des tchékistes.Tout eu analysant les causes de cet incroyable meurtre de masse, Werth brosse comme dans un roman les portraits terribles ou tragiques des acteurs de la persécution, des victimes, comme cet ivrogne ou cette marchande de fleurs, jusque là sans histoire, arrachés brutalement à la tranquillité de leur anonymat par la plus aveugle des persécutions.