En ce début du XXIe siècle, le dévoiement du sens de la « communauté » vers un communautarisme aux visages multiples semble avoir émoussé la portée et les angles d'une question encore féconde dans les années 1980. Ainsi, dans le sillage de Mauss, de Durkheim, Bataille dans les années 1950, puis Arendt, plus près de nous, Blanchot, Nancy, ou Agamben dans les années 1980, ont pu ainsi contribuer à instruire une question encore exclusivement envisagée comme idéologème ou comme catégorie au début du XXe siècle, et à la déployer sous l'angle du philosophique et du poétique.
Aujourd'hui européenne, nationaliste, ethnique, religieuse, mondialisée ou virtuelle, la communauté semble pourtant avoir repris sa valeur circonstancielle – celle d'éphémères assemblages –, un sens restreint, celui de l'idéologie notamment, et actualiser ses pires excès, celui de la communion et de « l'immanence », autant d'acceptions largement remises en question et révoquées par les philosophes du XXe siècle.
Mais alors qu'en est-il aujourd'hui de la communauté ? Est-il possible d'imaginer ce qu'elle serait, dégagée de ses grands référents ? Que resterait-il de ses anciennes définitions, de l'idée de communauté, de ses possibilités essentielles ? Peut-on continuer à croire à la possibilité d'un « nous », à une époque où les mécomptes grandioses de l'histoire avaient fait connaître ce terme sur un fond de désastre et de ruine ? La littérature ne peut-elle précisément, au revers de ce désenchantement, avoir vocation à questionner une notion, qui, autrefois définie comme idéologème ou comme catégorie, apparaissait encore au début du siècle comme l'apanage des discours philosophique, sociologique et politique ; ne peut-elle, puisqu'elle a elle aussi vocation à se mêler de la réalité, inventer une multitude qui nous manquerait ?
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