Aux deux derniers siècles de la République, et surtout à partir des
tribunats des Gracques, les membres de la classe dirigeante romaine
utilisèrent la notion de concordia dans les débats qui les opposaient
les uns aux autres. Par leurs discours, ils entreprenaient de garantir
ou de restaurer les conditions nécessaires à cette concorde des
citoyens, et surtout à celle des principaux d'entre eux, les
aristocrates, dont lhistoire démontrait quelle avait été réalisée
par les ancêtres. Dans un contexte de conflit civil, la notion de
concordia devint un idéal, car elle était conçue comme la condition
indispensable à lexercice dun pouvoir de type collégial,
cest-à-dire au maintien, à la tête dun empire, dun groupe, les
sénateurs, dont légalité de puissance impliquait quils
sentendissent pour un accès réglé au faîte des honneurs. Mais parce
quil sagissait dun idéal commun à tous, et alors que les
oppositions entre sénateurs se radicalisaient à la fin de la
République, cette notion devint le lieu dun conflit politique majeur
lorsque la capacité dun aristocrate à rétablir ou à maintenir la
concorde fut considéré comme un critère décisif de légitimité. Léchec
de ce modèle constitua une des évolutions qui conduisit alors au
premier triumvirat, puis à la dictature de César, lorsque la concorde
ne fut plus cet idéal commun à toute une aristocratie, mais ce que
devait défendre une poignée dentre eux, et finalement un seul.
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