L'historiographie coloniale de la Mauritanie, suivie en cela par certains chercheurs, fait peu de cas des populations de la vallée du Sud. De leur point de vue, l'histoire de la Mauritanie est celle du " pays des Blancs " (Trâb el Bîdân), tandis que le Sud serait à rattacher à l'histoire du Sénégal et du Mali. Le tournant de l'histoire coloniale de ces pays est pris au moment où la France décide de conquérir les territoires compris entre le Sénégal et l'Algérie pour construire sa " Mauritanie occidentale ". Cet empire nord-ouest-africain ne devait concerner que des populations maures et touarègues, malgré la présence marginale de Noirs sur la rive droite du fleuve Sénégal.
Pourtant, les écrits coloniaux et les témoins de l'époque disent autre chose. II y eut deux types de conquêtes organisés dans des espaces et des contextes politiques différents. L'espace culturel africain noir donna naissance aux colonies du Sénégal et du Soudan français, et l'espace arabo-berbère au Trâh el Bîdân. Ces deux groupes distincts (Vallée du Sénégal, 1855-1891 et Trâh el Bîdân, 1902-1919) furent raccordés en 1904 pour former la Mauritanie actuelle. Leurs différences alimenteront pendant des décennies un débat sur le maintien ou non de l'unité de cette colonie, ressentie comme artificielle. alors que le Sénégal réclamait la rétrocession de la rive droite du fleuve. Les territoires du Sud présentent donc une double spécificité, tant par le mode de leur conquête que par la gestion politique qui leur fut appliquée. Leurs aristocraties traditionnelles (sooninke, haalpulaar et waalo-waalo) ont également inventé des stratégies originales pour s'adapter au nouveau contexte colonial. C'est à la mise en évidence et à l'étude de toutes ces différences que le présent ouvrage est consacré.
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